Ayahuasca

Chimie de l’Ayahuasca


Liane d’Ayahuasca : Inhibiteur de Monoamine oxidase (IMAO)

Liane d’Ayahusca

Le breuvage d’Ayahuasca est un thé obtenu traditionnellement après décoction de la liane d’ayahuasca (Banisteriopsis Caapi) et de feuilles d’une plante appelée chacruna (Psychotria Viridis). La liane d’ayahuasca est composée de substances dites alcaloïdes aux nombreux principes actifs. Le principe que l’on retiendra en premier lieu provient des alcaloides « harmine » : l’harmine, l’harmaline et la tétrathydroharmine. Ils appartiennent aux groupe des β-carbolines qui ont la particularité d’être des inhibiteurs de monoamine oxydase (IMAO), permettant à la Dymethyltryptamine (DMT) contenue dans les feuilles de chacruna d’atteindre les récepteurs neuronaux du cerveau. Il est à noter qu’une autre plante est actuellement utilisée comme substitut pour la préparation de l’Ayahuasca. Il s’agit de la *Rue Syrienne (Peganum Harmala). D’autres plantes contiennent également des inhibiteurs de monoamine oxydase comme dans le cas de l’absinthe, mais il est fortement déconseillé de les mélanger avec l’Ayahuasca.

* Qu'est-ce que la Rue Syrienne ?

La Rue Syrienne (Peganum harmala)Peganum harmala est un arbuste vivace aux feuilles charnues à l’aspect pubescent, atteignant 1 mètre de haut. Ses petites graines brunes contiennent de l’harmine et d’autres alcaloïdes harmala. C’est l’une des plantes supposées être un composant du Soma ou Haoma des zoroastriens de l’ancienne Perse.

Le principe actif de la liane d'ayahuasca empêche la destruction par le corps d'une substance psychoactive contenue dans le breuvage d'Ayahuasca qui est la DMT. Sans ces alcaloides « harmine », les enzimes de monoamine oxydase (MAO) contenues dans l'estomac détruiraient la DMT avant qu'elle ne puisse passer du sang au cerveau.

Le groupe des B-Carbolines

Les β-carbolines sont naturellement présents dans de nombreuses plantes. Leurs effets sur la santé psychique, neurologique et physiologique sont reconnus depuis des siècles. Ils sont utilisés depuis l’antiquité dans le monde oriental pour soigner divers types de maladies dont le cancer et la malaria. Hormis les alcaloïdes « harmine », les autres alcaloïdes du groupe des β-carbolines contenus dans l’Ayahuasca sont l’harmol et la 5-methoxytryptamine. L’harmol a fait l’objet de recherches sur le traitement du cancer du poumon. Il s’est avéré qu’il provoquait l’apostose (suicide programmé) des cellules cancéreuses, comme dans le cas des CBD (cannabidiol) contenus dans la marijuana. La 5-methoxytryptamine elle, stimule la production d’aldostérone qui régule le niveau de sodium dans l’organisme ainsi que la pression artérielle. Rappel : il est fortement déconseillé d’utiliser l’Ayahuasca dans le cas d’hypertension artérielle. Les β-carbolines « harmine » (l’harmine, l’harmaline et la tétrathydroharmine) agissent comme des inhibiteurs réversibles de l’isoenzyme de type A de la monoamine oxydase (MAO) tandis que la tétrahydroharmine est également un inhibiteurs sélectif de la recapture de la sérotonine « l’hormone du plaisir», à la manière des anti-dépresseurs (ISRS). En inhibant les enzymes de monoamine oxydase, cela contribue à augmenter le niveau de sérotonine et notre capacité à capter la sérotonine. Plus récemment une étude datée de 2016 sur l’harmine a permis de démontrer qu’il inhibait le gène ( DYRK1A ) lié à la trisomie 21 et à la maladie d’Alzeimer. On commence à peine à mesurer le potentiel de ces substances pour le traitement des maladies dégénératives. À noter cependant que des inhibiteurs « sélectifs » de monoamine oxydase sont dores et déjà utilisés pour traiter la maladie de Parkinson. Ces médicaments sont « sélectifs » car l’utilisation d’inhibiteurs de monoamine oxydase non sélective comme l’Ayahuasca s’accompagne de nombreuses contre-indications.

Inhibiteurs de MAO : quelques mises en garde

Les inhibiteurs de monoamine oxidase (IMAO) entrent en conflit lors d’un excès de tyramine. La tyramineest un acide aminé naturellement présent dans le corps qui régule la pression sanguine. Consommer des aliments ayant pour effet d’entraîner un excès de tyramine peut provoquer avec l’Ayahuasca de soudaines augmentations de la pression sanguine, dans de rares cas une crise cardiaque, une hémorragie cérébrale ou la mort. C’est pourquoi l’usage traditionnel de l’Ayahuasca s’accompagne toujours d’un régime alimentaire strict. (Voir le chapitre traitant de la Cérémonie d’Ayahuasca).

Les IMAO ne doivent pas être combinés avec de la tryptophane. La tryptophane est un acide aminé essentiel pour la synthétisation et la libération de la sérotonine. Il est notamment prescrit dans le cas de stress et de perte de sommeil. Les inhibiteurs de MAO ayant déjà une action sur le niveau de sérotonine, l’ajout de triptophane peut causer un « syndrome de sérotonine » provoquant maux de tête, tremblements, confusion, perte de repères, amnésie, épisodes délirants,… « Le mieux est l’ennemi du bien ». De même, les IMAO ne doivent pas être combinés avec des anti-dépresseurs comme dans le cas du Prozac. Ce médicament est en effet un inhibiteur sélectif de recapture de sérotonine (ISRS). Le mélanger avec des IMAO peut avoir des effets dévastateurs dû à l’excès de sérotonine. Vous pouvez parcourir la liste des aliments et substances incompatibles avec l’Ayahuasca dans le chapitre traitant des contre-indications liées à la consommation d’Ayahuasca.

Feuille de Chacruna: La DMT

Feuilles de Chacruna

Qu-est-ce que la Dymethyltryptamine ? La DMT est un alcaloïde que l’on trouve naturellement en faibles quantités dans le corps humain, particulièrement dans la zone du cerveau. Elle est toutefois produite en quantités plus importantes notamment pendant le sommeil et selon les dires de certains en grandes quantités lors de la naissance et de la mort. Ce neurotransmetteur qui « ouvre les visions » est présent à l’état naturel dans la plupart des organismes vivants, toutefois certaines plantes présentent une très forte concentration de DMT, comme dans le cas de la chacruna, chacrona, rainha,… (Psychotria Viridis) et de la chagropanga, chiripanga, chaliponga,… (Diplopterys cabrerana), natives du berceau amazonien. On peut citer également les plantes appartenant au genre Acacia, utilisées notamment par les tribus Zulu d’Afrique du Sud dans leurs rituels chamaniques. Plusieurs variétés de Mimosa présentent aussi des concentrations de DMT importantes. Ces dernières très prisées par les psychonautes sont couramment utilisées comme c’est le cas avec le mimosa hostilis en recourant à l’utilisation de produits chimiques afin d’en extraire la DMT. 

Petite Disgression

DMT synthétique

Le procédé d’extraction chimique de substances psychoactives quoique efficace tend à privilégier le principe actif des plantes au détriment de leur dimension spirituelle et énergétique. Cette démarche n’est toutefois pas condamnable. L’utilisation du LSD a donné de très bons résultats comme l’ont prouvé les travaux de Stanislas Groff sur de nombreux cas de psychopathologies incluant la schizophrénie. Mais force est de constater que l’usage de ces substances est dans la plupart des cas d’ordre récréatif, menant souvent son utilisateur à la dépendance. Ces dérives s’écartent de la démarche thérapeutique de la médecine traditionnelle amazonienne, qui vise entre autres à libérer l’Homme de ses addictions. L’Ayahuasca en revanche n’entraîne pas d’addiction. À la différence de beaucoup de substances hallucinogènes, elle ne provoque pas « d’effet de manque » dû à un quelconque déséquilibre de sérotonine ou de dopamine. Au contraire, le niveau de sérotonine ainsi que le nombre de ses récepteurs augmentent très nettement par la suite. Enfin, son goût et ses effets sont loin d’être agréables, que ce soit au niveau physique ou psychologique. C’est assez dissuasif pour qu’on ne souhaite pas en user de façon récréative.

Les Principes Chimiques de la DMT

DMT

La DMT (dymethyltryptamine) est loin d’avoir livré tous ses secrets. On a tout d’abord avancé l’idée qu’elle pouvait être produite à l’état naturel par la glande pinéale, à l’instar de la mélatonine, mais ce fait constaté chez le rat n’est toujours pas avéré pour l’homme. Des recherches ont néanmoins prouvé que des enzymes situées dans les poumons et le foie produisaient de la DMT à partir de la tryptamine.  La DMT rappelons-le est un des rares neurotransmetteurs à passer du sang au cerveau. Lorsque l’on prend de l’Ayahuasca, une grande quantité de DMT passe la barrière de la digestion. Elle est ensuite acheminée dans le cerveau et vient se fixer principalement sur des récepteurs de sérotonine (On sait que la DMT agit à la fois sur les niveaux de sérotonine et de dopamine, deux neurotransmetteurs essentiels à l’équilibre du sommeil, des humeurs, du désir sexuel, de la mémoire,…). Or la DMT est un agoniste de la sérotonine, c’est à dire qu’il est capté par les récepteurs de sérotonine de la même manière que la sérotonine. En se fixant sur les récepteurs de sérotonine (5-HT1A, -2A and -2C), la DMT agit comme un antidépresseur, et contribue à augmenter notre capacité à capter la sérotonine. En effet, à la différence de substances agonistes de la dopamine comme la cocaïne ou l’héroïne qui ont tendance à réduire le nombre de récepteurs de dopamine produisant un « effet de manque », la DMT accroit au contraire le nombre de récepteurs de sérotonine, ainsi que notre capacité à capter la sérotonine. Des plus, elle régule en même temps le niveau de dopamine que ce soit dans le cas d’un sevrage (niveau faible) ou lors d’un excès de dopamine. La DMT se révèle pour cela être un excellent moyen de traiter les addictions notamment aux drogues. On sait également que la DMT agit sur d’autres récepteurs, le récepteur d’amine trace associé TAAR-6 ainsi que le récepteur Sigma 1-R.

Le récepteur d’amine traces associé TAAR-6 semble jouer un rôle important dans les cas de psychoses, notamment de schizophrénies. Nos connaissances sur ce récepteur progressent assez rapidement, mais c’est au sujet du récepteur Sigma-1R que l’intérêt scientifique devient de plus en plus prégnant. Des recherches récentes tendent à démontrer que la plupart des maladies dégénératives sont causées par une accumulation de protéines anormales, dont l’origine proviendrait d’inflammations intestinales et d’infections microbiennes de l’intestin. Ces facteurs aggravés par les états de stress cellulaires provoquant notamment le suicide des cellules provoqueraient un phénomène en chaine, comme une sorte de cercle vicieux. Or il se trouve que le récepteur Sigma-1R semble réguler l’accumulation de protéines anormales, et prévenir de l’aposthose (suicide cellulaire), notamment en cas d’hypoxie (insuffisance d’oxygènation) et de stress cellulaire. La DMT étant un agoniste du récepteur Sigma-1R, elle présente un intérêt scientifique et médical indéniable. Son rôle dans le traitement des maladies dégénératives modernes pourrait même à l’avenir être déterminant, comme explique l’article scientifique suivant dont nous nous sommes inspirés pour étayer cet article (anglais) : The Therapeutic Potentials of Ayahuasca: Possible Effects against Various Diseases of Civilization.

Néanmoins, le procédé par lequel la DMT induit des hallucinations reste encore mal connu. La simple médiation avec les récepteurs neurologiques n’explique pas les effets hallucinogènes produits par la DMT. Cependant, il y a de fortes chances pour que ces hallucinations soient le fruit de la combinaison du récepteur de sérotonine 5-HT2A avec des protéines, produisant un phénomène en chaine comme le montre le dessin ci-contre. Ce procédé hallucinogène est plus complexe que celui induit par la psilocybine par exemple (champignons hallucinogènes). Cela explique peut-être pourquoi à la différence de ces derniers, la consommation répétée de DMT n’entraîne pas de phénomènes de tolérance.

Tout ceci ne suffit pas bien entendu à expliquer les vertus thérapeutiques de l’Ayahuasca, notamment en ce qui concerne son action neurologique et ses effets psychologiques. Afin de mieux comprendre comment fonctionne la médecine de l’Ayahuasca, veuillez-vous référez au chapitre traitant des effets neurologiques et psychologiques de l’Ayahuasca

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